Acte 3 : « Ethereum classic »
La suite, c’est que même fort d’une majorité écrasante, la communauté Ethereum a du faire face à une scission. Animé au départ par une petite communauté d’utilisateurs russes (était-ce une blague au départ ? Y croyaient-ils réellement ?), le camp du « non au fork » a proposé de maintenir en vie la blockchain originelle, celle qui a consigné l’attaque de « The DAO » avec une philosophie très crypto-anarchiste. Je traduis leur profession de foi :
Nous croyons en une blockchain décentralisée, publique et ouverte qui ne permet pas la censure. Nous souscrivons au projet initial d’Ethereum en tant qu’ordinateur global […] sur lequel s’exécutent en continu des contrats intelligents de manière irréversible […] Nous n’acceptons les « forks » que s’il s’agit de corriger des beugues concernant le fonctionnement de la plateforme elle-même et non pas dans l’intérêt de quelques uns…
Ainsi le 24 juillet 2016 environ est née un nouveau réseau décentralisé portant le nom d’ « Ethereum Classic » et donc aussi par la même occasion un nouvel « altcoin » que tout le monde abrège en « ETC » (le C étant pour « Classic »). La blockchain de départ d’ « Ethereum Classic » est par construction l’ancienne blockchain non censurée…
Bilan des courses : ceux qui possédaient des éthers ETH au moment du « fork » les conservent mais en plus obtiennent instantanément et sans effort des éthers ETC en même quantité… L’expérience ETC était vouée à l’échec : toutes les principales plateformes d’échange de crypto-monnaies avaient prévu de rester fidèle à ETH et de pas afficher ETC. Toutes sauf une… Poloniex ! De même tous les mineurs étaient restés fidèles à ETH sauf quelques uns ! Franchement, pourquoi ne pas miner de l’ETC vu que la puissance de calcul nécessaire au minage est assez faible ? Si le réseau ne marche pas, tant pis mais si ça marche, on aura été les premiers à miner et donc à gagner de l’argent facilement… Tel était à peu près le raisonnement tenu par ces premiers mineurs ETC opportunistes…
J’avoue, je croyais l’aventure sans avenir. Des amis m’avaient demandé mon opinion sur ETC et je ne donnais pas cher de sa peau… Je n’y croyais pas car j’estimais le réseau trop fragile en terme de puissance de calcul, c’est à dire trop vulnérable à une attaque à 51%. Et je reste dubitatif. Pourtant, les faits sont en train de me donner tort. Autant que je sache, personne n’a mis en œuvre une telle attaque. De plus, portés par des spéculateurs attirés par l’idée de se retrouver au début d’une aventure qui potentiellement peut rapporter gros (et pas grand chose à perdre), l’ETC qui valait simplement 0 au départ vaut désormais 1.81$ au moment où j’écris ces lignes. Voir les graphes sur coinmarketcap par exemple. De plus, le volume d’échange est impressionnant. C’est le second après celui du Bitcoin. En particulier, le volume d’échange des ETC est supérieur actuellement à celui des ETH ! Enfin, rapportée en dollars, la capitalisation d’ETC est passée en quelques jours de 0 à près de 150 millions ! Dans le même temps, le cours de l’ETH n’a pas diminué de manière significative. Aujourd’hui, Poloniex n’est plus seule à afficher ETC. Kraken le fait aussi. Bientôt d’autres suivront…
Financièrement, les anciens d’Ethereum qui auraient pu craindre la fin du monde (de leur monde) sont les grands gagnants de cette aventure à laquelle ils ont assisté en spectateurs. Ils ont gagné de l’argent sans rien faire. Le « fork » a crée de l’arbitrage sur le marché des devises… Et en fait, si l’on y réfléchit, il en sera de même à chaque « fork » de chaque monnaie numérique… Fugace arbitrage qui finit par disparaître avec le temps ! Comme tout en finance…